
15 novembre 1959, plongée n°61 : Jacques Piccard, le célèbre océanographe suisse, et Andreas Rechnitzer, océanographe américain, battent le record du monde de plongée avec le bathyscaphe TRIESTE en atteignant une profondeur de 18 150 pieds (5 530 mètres) dans la fosse des Mariannes à 30 miles au sud-est de l'île de Guam (1). À 4200 pieds de profondeur (1280 mètres) au cours de leur descente, ils observent un « objet assez grand en forme de disque avec de nombreux points lumineux (environ 1 flash par 1/2 mètre3. Généralement des points isolés) ». Cette observation est consignée en page 36 du rapport de recherche d’Andrea Rechnitzer (2) sur les plongées du bathyscaphe TRIESTE menées entre 1958 et 1960 (2).
Des observations quasi continues visant à déterminer la présence de bioluminescence dans la grande colonne d'eau ont été effectuées au cours des plongées du TRIESTE. Ces plongées ont permis de constater que la bioluminescence était présente à toutes les profondeurs, mais qu'elle n'était pas nécessairement uniformément répartie depuis la surface jusqu’au fond.

Selon le rapport de Rechnitzer contenant un chapitre dédié aux observations de bioluminescence, les protozoaires, les cœlentérés, les cténophores, les euphausiacés, les crustacés décapodes, les salpes et les poissons constituent les sources pélagiques et bathypélagiques (entre 1000 et 4000 mètres) communes de bioluminescence. Ces groupes d'animaux présentent une luminescence à la fois intermittente et constante. Les observations visuelles directes révèlent que la faune des grands fonds présente principalement un clignotement intermittent. Il semblerait que les flashs bioluminescents soient normaux à de grandes profondeurs et ne nécessitent pas nécessairement une stimulation tactile comme celle que peut engendrer le mouvement du bathyscaphe par exemple.
L’observation de Jacques Piccard a été relatée dans le dernier livre de Daniel Gerritzen « La crise cosmique - Pourquoi les extraterrestres ne nous sauveront pas » (3), dans lequel il fait le point sur l'histoire des phénomènes aériens inconnus. Le journaliste Matthias Bieder a repris cette information dans un article paru dans le quotidien allemand Bild le 28/05/2024 : « Jacques Piccard a plongé dans la fosse des Mariannes. Le célèbre explorateur océanique a signalé un ovni sous-marin ! Le journal de bord parle d'un "disque lumineux". » (4)
Après avoir contacté Daniel Gerritzen à ce sujet, l’écrivain et journaliste nous a indiqué une autre observation intéressante reportée dans les retranscriptions des enregistrements audio de Jacques Piccard et de Robert Dietz relatifs aux plongées du Bathyscaphe Trieste de 1958 à 1963 (5). Bien que l’observation ne soit pas directement reliée à celle du disque lumineux, il est fait mention, page 21 de ces retranscriptions téléchargeables sur le site de la bibliothèque de l'université de San Diego en Californie, d’une « masse menaçante » aperçue au loin par Piccard depuis son hublot, comme un gros rocher, une corniche ou une sorte d'objet.
Daniel Gerritzen nous a donné son avis sur ces observations :
À première vue, “l’objet assez grand en forme de disque avec de nombreux points lumineux” pourrait s'expliquer par des méduses bioluminescentes ou par une technologie de plongée soviétique, et la “masse menaçante” par un rocher. Dans les profondeurs, il fait très sombre et l'œil et le cerveau humains ont du mal à s'adapter à cette obscurité. Mais Piccard et Rechnitzer n'auraient pas appelé un animal des profondeurs “objet en forme de disque”. Ils l'auraient appelé “espèce bioluminescente inconnue” et auraient ajouté certaines spécificités de mouvement auxquelles on peut s’attendre pour des méduses. Les Soviétiques n'auraient pas équipé un navire espion de “nombreuses lumières”...
Donc, comme mentionné précédemment, l'”objet” n'est pas identifié. Cependant, l'option “extraterrestre” est la dernière que nous devrions envisager. Il s'agissait très probablement de quelque chose de naturel et de terrestre, et nous ne disposons pas de suffisamment d'éléments pour dire ce que c'était a posteriori. Il faut aussi tenir compte du fait que Piccard et Rechnitzer étaient des plongeurs très expérimentés. Il est très probable qu'ils auraient reconnu des choses naturelles dans l'océan, même dans des conditions de luminosité difficiles.
Nous avons également contacté Marco Bianchini, président depuis novembre 2023 du CISU (Centro Italiano Studi Ufologici). Marco Bianchini étudie les ovnis depuis plus de 33 ans et les osnis en particulier depuis 25 ans. Il coordonne depuis 1995 l’USOCAT, le catalogue national des rapports italiens sur les osnis. A sa connaissance, il n’y a pas de cas d'observations lumineuses en profondeur recensé dans les 350 rapports du catalogue italien. Il n’y a que des cas d’observations en surface ou sous la surface de la mer (à quelques mètres de profondeur). Pour lui, il est alors difficile de savoir s'il s'agit de bioluminescence ou d'autres phénomènes naturels ou non naturels (comme les lampes utilisées par les plongeurs, par exemple).
Pour avoir un regard d’expert scientifique, nous avons consulté les travaux de Séverine Martini, chargée de recherche au CNRS à l'Institut Méditerranéen d'Océanologie depuis 2020, dont les thématiques de recherche s'articulent autour de la compréhension des rôles écologiques de la bioluminescence marine et de son impact dans la pompe biologique du carbone.
Comme il est précisé en conclusion de sa publication de 2017 sur l’étude quantitative de la bioluminescence de la surface à la mer profonde (6):
76 % des organismes marins océaniques observés dans les eaux profondes au large de la Californie sont capables de bioluminescence. [...] L'étendue des capacités de la bioluminescence n'a pas encore été établie, en particulier dans les grands fonds marins, où de nouvelles découvertes sont attendues. Toutefois, étant donné que l'océan profond est l'habitat le plus vaste de la planète en termes de volume, on peut certainement dire que la bioluminescence est un trait écologique majeur sur terre. »
Même si cette étude représente 350 000 observations de bioluminescence animale sur 17 années d’enregistrement vidéo jusqu'à une profondeur de 3 900 m, la connaissance des espèces marines bioluminescentes reste partielle. En l’état des connaissances, il est impossible d’identifier l’espèce qui pourrait être responsable de cette bioluminescence.
Que décider ? Objet ou animal ?
L’observation de Jacques Piccard à 1 280 mètres de profondeur est unique. Notre connaissance très partielle des formes de vie bioluminescentes peuplant les profondeurs de l’océan ne nous permet pas d’identifier une espèce animale répertoriée. S’agirait-il d’une espèce inconnue de très grande taille dont la forme circulaire nous suggérerait celle d’une méduse ? À l’image de cette méduse rouge d'eau profonde de taille inhabituelle que les chercheurs du Monterey Bay Aquarium Research Institute (MBARI) ont décrite en 2022 dans la revue scientifique Animals (7). Ils ont baptisé leur découverte Atolla reynoldsi en l'honneur du premier volontaire de l'aquarium de la baie de Monterey.
S’agirait-il d’un véhicule sous-marin non répertorié ? Nous n’avons pas connaissance d’un sous-marin en forme de disque ayant les capacités de plonger à 4 000 pieds de profondeur en 1959. Le submersible dont la forme se rapprocherait le plus est la “soucoupe plongeante” SP350 dénommée Denise. Ce véhicule sous-marin a été mis au point par Jacques Yves Cousteau et l’ingénieur Jean Mollard au Centre Français de Recherche Sous-marine (CFRS) en 1959. D’un diamètre de 2,85 m, la soucoupe ne pouvait plonger qu’à 350 mètres au maximum. Il faudra attendre 1965 avec le projet Deepstar 4000 pour qu’une nouvelle soucoupe conçue à nouveau par Jacques Yves Cousteau et construite par Westinghouse atteigne les 1 200 mètres de profondeur.
L’objet lumineux observé par Jacques Piccard en 1959 restera probablement classé non identifié pendant encore longtemps. Voilà un dossier qui ressortira peut-être un jour de la pile des observations restées sans explication pour être élucidé à la lumière de nos futures nouvelles connaissances… ou les abysses l'engloutiront à jamais dans les profondeurs de l’oubli.
Références :
Lieutenant Don Walsh, Navy Electronics Laboratory Research Report 1096, 27 july 1962, The bathyscaph TRIESTE. Technological and Operational Aspects, 1958-1961
Andreas Buchwald Rechnitzer, Navy Electronics Laboratory Research Report 1095, 2 april 1962, Summary of the bathyscaph TRIESTE Research program Results (1958-1960)
Daniel Gerritzen, “Die kosmische Krise – Warum Außerirdische uns nicht retten werden”. Matthes & Seitz Berlin, 2024
Jacques Piccard tauchte in den Marianengraben: Berühmter Ozeanforscher meldete Unterwasser-Ufo! Im Logbuch ist von einer „leuchtenden Scheibe“ die Rede. https://www.bild.de/leben-wissen/meeres-aliens-beruehmter-ozeanforscher-sah-unterwasser-ufo-664f6216fee5ba39eb18f510
Dives of the Bathyscaph Trieste, 1958-1963: Transcriptions of sixty-one dictabelt recordings in the Robert Sinclair Dietz Papers, 1905-1994 from Manuscript Collection MC28. Archives of the Scripps Institution of Oceanography University of California, San Diego https://oac.cdlib.org/view?docId=c8s46zct;developer=local;style=oac4;doc.view=items
Martini, S. and Haddock, S. H. D. Quantification of bioluminescence from the surface to the deep sea demonstrates its predominance as an ecological trait. Sci. Rep. 7, 45750; doi: 10.1038/srep45750 (2017).
Matsumoto, G.I.; Christianson, L.M.; Robison, B.H.; Haddock, S.H.D.; Johnson, S.B. Atolla reynoldsi sp. nov. (Cnidaria, Scyphozoa, Coronatae, Atollidae): A New Species of Coronate Scyphozoan Found in the Eastern North Pacific Ocean. Animals2022, 12, 742. https://doi.org/10.3390/ani12060742