Conférence SOL : Dr. Jacques Vallée
Lors de la conférence SOL, le Dr. Jacques Vallée a présenté une introduction sur les phénomènes anormaux non identifiés, les témoins et la recherche scientifique.

La fondation SOL a pour mission de mener des recherches scientifiques sur les UAP (phénomènes aériens non identifiés) depuis que le gouvernement américain a reconnu leur existence. Son travail s’étendant au conseil, à la politique, et l’éducation du public. La première conférence s’est déroulée à l’université de Stanford en novembre dernier et a rassemblé les meilleurs spécialistes du sujet ovni.
Jacques Vallée, informaticien, astrophysicien, ufologue, et auteur renommé, commence son allocution par une pointe d’humour, il a attendu 65 ans pour avoir une telle réunion de scientifiques sur le sujet ovni. Il se remémore ses quatre années d’étude sur ce même campus, tout d’abord dans le domaine informatique, puis sur la recherche de plasmas sous la direction du professeur Peter Sturrock, avec lequel il développait des modèles de couronne solaire, d'énergie des pulsars et d’objets volants non identifiés. En 1972, Il était déjà clair pour eux que ces trois domaines étaient liés.
Sur l’aspect politique, il présente tout d’abord une photo du président Clinton parlant en privé au professeur Jack Gibbon, astrophysicien, son conseiller scientifique de 1993 à 1998. À cette époque, M. Lawrence Rockefeller, célèbre défenseur de la science américaine et de l'environnement, avait fortement suggéré au président Clinton de lever le secret et l'opprobre qui entouraient la question des ovnis aux États-Unis, sans résultat, car le problème était scientifique mais surtout politique.
Puis, lors d’une conférence en 1994, on demanda au professeur Gibbons comment il avait conseillé le président Clinton sur ce sujet, celui-ci répondit qu’il fallait demander à la Maison Blanche. Mais il conta une histoire. Un vieil homme fatigué rentre chez lui le soir. Dans l’herbe, le long du chemin, il perçoit une lumière inhabituelle, et en s’approchant, il découvre une grenouille qui porte une petite couronne dorée lumineuse. Il est intrigué par cette découverte et prend la grenouille afin de la mettre dans sa poche, quand celle-ci commence à lui parler. Elle lui explique qu’elle est en réalité une riche et jeune princesse changée en grenouille par un magicien, et que tout ce qu’il a à faire c’est de l’embrasser. Elle redeviendra humaine, ils vivront ensemble dans le bonheur, et auront beaucoup de merveilleux enfants. Le vieil homme réfléchit sérieusement à la situation pendant un certain temps, puis il met la grenouille dans sa poche en disant : "À mon âge, je préférerais avoir une grenouille qui parle. »
L’audience de Jacques Vallée rit, mais celui-ci reste très sérieux, car même si l’histoire est amusante, c’est l’explication la plus claire qu’il ait entendue au vu de l’historique du problème UFO aux États Unis.

Comment trier, extraire, et analyser les données ?
Jacques Vallée revient sur ses années passées sur le campus, il présente ses collègues, pionniers dans le domaine : le Dr James Harder, de l'université de Californie à Berkeley, le Dr Richard Haynes de la NASA, M. Brad Sparks, chercheur indépendant, le Dr Bruce McAbee de l'US Navy, et le professeur Sturrock qui est celui qui a lancé la recherche sur les ovnis à Stanford. Ceux-ci ont profité d’avoir accès à un ordinateur pour compiler en 1973, des catalogues de cas d’ovnis inexpliqués. Ils ont développé un programme afin de séparer les cas les plus intéressants de ceux qui étaient probablement explicables ou susceptibles d'être expliqués.
À l’époque le CNES (la troisième agence spatiale du monde, la seule à pouvoir lancer de l’équateur des satellites lourds et le télescope Kepler.) s’intéressait également aux données sur les ovnis. Après les avoir nettoyées, il restait 5 à 10 % de cas non expliqués (en retirant des effets optiques exceptionnels, des erreurs d'observation ou d’interprétation des témoins.) Ce pourcentage est tombé à 2 % aujourd’hui.
Dans son groupe d’étude à Stanford, il y avait aussi un officier de l’armée à la retraite, qui en 1943 était chargé de la surveillance et de la détection des sous-marins allemands. Son unité avait étudié la complexité des statistiques et il n'était pas du tout d'accord avec Vallée et ses collègues, ils avaient pris le problème à l’envers. Il expliqua que si les 2 % des objets non identifiés étaient en fait des sous-marins allemands la situation serait très grave pour les États-Unis.
Il a donc encouragé Jacques Vallée à appliquer aux OVNI la même discipline que l'armée avait appliquée à la détection des périscopes ennemis dans les vagues de l'Atlantique Nord. Dans le domaine du renseignement 98% des cas sont probablement donnés gratuitement par l'ennemi, les 2 % restants sont potentiellement mortels.
Jacques Vallée n’a pas oublié cette leçon:
Nous en sommes au même point aujourd’hui, lorsque les services gouvernementaux ont annoncé que la grande majorité des rapports sont expliqués, comme nous l'avons vu récemment devant le Congrès, cela signifie simplement que les données sont très mal contrôlées. Ce qui est important, ce sont les 2 % restants.
Il parle du travail de Marie Curie qui, en essayant de caractériser les sources de rayonnement inexpliquées dans l’uranium, n'avait obtenu qu'un dixième de gramme de chlorure de radium pour plusieurs tonnes de matière première. Ce dixième de gramme est devenu son deuxième prix Nobel. Il est donc important que les scientifiques travaillent sur les phénomènes inexpliqués même si la tâche est ingrate.
Il poursuit sur la question scientifique posée par les ovnis, qui ne peut rester indéfiniment sans réponse. Des citoyens ordinaires rapportent des observations personnelles avec des paramètres de plus en plus précis. Les États-Unis ont des avions équipés de détecteurs électroniques et optiques, de lumière invisible et infrarouge, ce sont des heures de données enregistrées qui peuvent être exploitées.
En France, les services du CNES peuvent désormais corréler les observations des témoins avec les mesures météorologiques précises du moment, les données des militaires, les observations spatiales et les aéroports locaux, qui sont désormais équipés d'un système de surveillance atmosphérique très intéressant.
Jacques Vallée demande : «Pourquoi le phénomène reste mystérieux pour le public et le Pentagone, 65 ans après leurs premières études sur le sujet ?» Les réponses se trouvent dans les statistiques.

Comment les cas sont-ils rapportés et consignés ?
Il présente un graphique qu’il a conçu avec deux courbes distinctes, l’une noire, l’autre rouge. À gauche nous voyons une échelle numérotée de 1 à 10 représentant les rapports d’observations, et en bas une échelle de 1 à 7 catégorisant l’étrangeté du phénomène.
Au milieu de la première courbe noire il y a trois catégories d’observations :
Dans la catégorie d'étrangeté 1, le témoin peut avoir observé une lumière inhabituelle dans le ciel ou au niveau du sol, qui s'est comportée d'une manière curieuse. Il est peu probable qu'il appelle les autorités, mais l'observation peut être connue, surtout s'il y a une réaction physiologique inhabituelle au même moment, ou un autre incident.
Dans la catégorie d'étrangeté 2, l'objet est mieux défini, comme un corps lumineux. Avec des formes ou des déplacements complexes. Parfois, il s'agit d'une lumière précise, silencieuse et constante qui s'est éteinte soudainement, et qui ne peut donc pas être un satellite artificiel.
Ces cas sont transmis à des organisations officielles dignes de confiance. Il suppose que trois personnes sur dix signaleraient quelque chose si cela les touchait personnellement d'une manière ou d'une autre. Par exemple, s'ils ont eu une réaction.
Dans la catégorie d'étrangeté 3, la situation est urgente. Les gens appellent l'armée de l'air, l'armée de terre, la police. Comme un globe orange qui a suivi votre voiture sur une route isolée, un objet lumineux comme un avion en feu semblant s'être écrasé derrière la colline suivante. La lumière a plongé sur une voiture isolée et le moteur s'est éteint en même temps. Une flottille de lumières a lentement traversé le ciel, laissant une traînée, ou un cylindre volant sans ailes a survolé un porte-avions. Ces cas se trouvent dans les rapports de police et certains peuvent être expliqués, mais même si des dossiers officiels sont remplis, ils finissent souvent dans les archives de l'agence concernée. D’autres sont recueillis par des services civils, des unités militaires, des stations radar.
Vient ensuite la catégorie d’étrangeté 4, où se recoupent les deux courbes du graphique. La première courbe baisse en fonction de la catégorie d’étrangeté du phénomène, alors que la deuxième courbe, en rouge, augmente. La courbe rouge représente donc les cas les plus étranges de la catégorie 4 à 7, c’est celle qui a le plus d’observations et qui a le moins de cas rapportés officiellement.
Si un objet surmonte une voiture et atterrit sur la route devant vous, puis repart, le rapport n'ira peut-être pas à l'armée de l'air. Il peut aller à la police locale, probablement. Et dans de nombreux cas, il est transmis à un journaliste local ou à un chercheur indépendant. Dans la plupart des cas, il n'y a pas de rapport, parce que vous avez peur que les gens se moquent de vous ou que la réputation de votre entreprise soit entachée.
Dans la cinquième catégorie d'étrangeté, tout devient encore plus effrayant. La probabilité d'un rapport officiel est quasiment nulle. Peut-être qu'une créature est sortie de l'objet qui se trouvait devant votre voiture. Les témoins ont peut-être ressenti une forme de communication avec cette créature, ou même une réaction physiologique, comme une paralysie temporaire. “ Nous avons de nombreux cas de ce type, des centaines. “
Ces cas ont rempli les dossiers de Jacques Vallée au fil des ans.
Les ufologues expérimentés vous diront qu'il existe une catégorie six et une catégorie sept, qui sont très rarement prises en compte par la police, l'armée ou les agences de presse sérieuses, parce qu'elles sont bizarres. Elles sont également nombreuses et riches en contenu. Aucun témoin ne souhaite être considéré comme un fou par un scientifique, un journaliste ou un officier de justice. Pourtant, ces récits sont souvent liés à des observations physiques tout à fait réelles.
Dans la catégorie sept, on placerait les témoignages contenant ce que le sociologue français Pierre Lagrange a appelé la rumeur. La probabilité d'un compte rendu officiel est très faible.
Jacques Vallée conclut que les méthodes d'analyse actuelles sont insuffisantes, ces rapports contiennent surtout des observations par le public, et que les analyses militaires bien que pertinentes, sont une minorité des observations aux États-Unis. Il note que la probabilité d'un compte rendu d'OVNI ou de PAN varie en fonction de l'étrangeté. Elle est très élevée lorsque le cas est clairement anormal et observé dans de bonnes conditions, mais ne menace pas la stabilité émotionnelle du témoin.
En revanche, les observations étranges, en raison de leur intérêt scientifique potentiel le plus élevé, ne parviennent aux services officiels que par accident, et sont difficiles à analyser et catégoriser. Nous n'avons pas une idée assez précise de leurs caractéristiques globales.
Nous connaissons les États-Unis, nous connaissons la France. Que savons-nous de l'Inde? Que savons-nous de l'Afghanistan? Nous n'en avons pas une idée assez précise et nous ne pouvons pas l'obtenir en consultant les archives officielles, secrètes ou non. Parmi les services concernés, les autorités militaires occupent une position mieux définie, mais plus isolée de la réalité sociale profonde. Leurs équipements fournissent des données techniques de la meilleure qualité, mais ils ne concernent que des domaines spécifiques qui ne permettent pas d'obtenir l'image globale dont nous avons besoin. En particulier, ils traitent toute anomalie comme une menace potentielle à éteindre, plutôt que comme une opportunité à observer, analyser et enregistrer.
Quand on nous dit que 2 ou 3 % des cas restent inexpliqués après une étude sérieuse, il faut rapporter ces chiffres au nombre estimé d'observations qui n'ont pas été rapportées. Et il faut se demander pourquoi ils n'ont pas été signalés. Combien y en a-t-il ? Les services officiels travaillent sur un échantillon important, mais celui-ci est limité par des paramètres de sélection sévères, qui restreignent la portée de leurs conclusions.
Sur l’utilité d’utiliser l’intelligence artificielle, Jacques Vallée explique qu’elle n’est qu’un outil qui synthétise les données qu’on lui apporte, si l’on ne peut pas définir le problème, l’IA ne résoudra aucunement le mystère ovni. (Jacques Vallée a obtenu un doctorat en 1968 à Northwestern sur l’IA)
« La véritable solution réside dans les catégories de données plus subtiles, celles que nous avons négligées depuis le début, les catégories cinq, six et sept. » qui nécessitent d’enquêter sur le terrain. Et à l'avenir, c'est à celles-ci qu’il souhaite se consacrer.
Concernant la divulgation au public, Jacques Vallée y voit un grave danger dans toute réponse future au phénomène basée sur les révélations des médias. Elle est surtout présentée comme un danger imminent afin d’obtenir des financements de l’armée, sans prêter l'attention nécessaire aux catégories les plus insaisissables.
Il faut aussi expliquer aux gens que ce qu'ils observent n'est pas forcément alien, il faut éduquer le public à reconnaître ce qu'ils voient.
Le véritable danger réside dans l'absence d'un programme de recherche plus large, plus fondamental et plus accessible, portant sur les sciences de la vie et les réalités sociales, ainsi que sur les performances physiques et les menaces militaires. Au-delà de la protection justifiée de quelques projets secrets, il est temps que les grands pays, et pas seulement un seul, ouvrent largement les vrais dossiers à la communauté scientifique.
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